vendredi 20 février 2009

Point de Mc Burney

Dimanche.

Alors que j'ai passé l'après-midi dans une sorte de transe de génie ménager, changeant tous les meubles de place parce qu'il me semblait enfin avoir découvert l'organisation idéale (à laquelle même un expert du Feng-Shui ne trouverait rien à redire, vu que les énergies cosmiques peuvent maintenant passer librement de la fenêtre du salon jusqu'à... et bien le mur du fond...), alors que j'ai passé cet après-midi à ranger, aspirer et dépoussiérer, je suis soudain pris de douleurs persistantes dans l'abdomen.

Au départ, je n'y fais pas attention, mais je ne peux rapidement plus marcher normalement. Je suis obligé de me casser en deux. Tara, qui a entamé ses chaleurs dans la matinée, m'observe en frottant sa tête contre les meubles.

Après vingt minutes, je me pense atteint de gastro-entérite. Je n' en a jamais eu avant et je ne sais pas à quoi ça ressemble, mais je me souviens de Daniel disant qu'il ne connait rien de plus douloureux.

Après une demi-heure, recroquevillé sur mon lit, incapable de trouver une position antalgique, j'ajoute à ce diagnostic potentiel celui de l'indigestion carabinée, ou de l'intoxication alimentaire pure et simple (ceux qui me connaissent assez bien vous diront qu'il est déjà miraculeux que ce ne soit pas arrivé avant).

Sauf qu'il y a un problème : ça ne ressemble à aucune douleur connue. Ca ne me semble même pas "digestif". Il n'y a pas cette impression des intestins qui se tordent, il n'y a ni pics ni reflux, le mal est continu et ne me lâche jamais, quelle que soit ma position.

Je ne suis pas douillet. Je veux dire, il y a des choses qui me hérissent en pensée, des images mentales que je redoute (tout ce qui a trait aux yeux par exemple, j'ai du mal ; j'avais vu une illustration d'une lobotomie à l'ancienne, un jour, et ils passaient par dessus le globe oculaire avec un poinçon métallique, pour atteindre le cerveau et cisailler je ne sais quels neurones, j'en étais resté tétanisé, presque outré), mais j'ai une certaine résistance à la douleur. Pas que j'en tire une quelconque fierté, j'aurais préféré être un musicien de génie douillet si j'avais eu le choix, mais enfin.

Je ne suis pas vraiment douillet, mais à partir de 18h ou 18h30, je me tords de douleur sur mon lit. Et Tara qui n'y comprend rien ou s'en fout, fait écho à mes geignements avec des miaou mélodramatiques. On dirait un duo comique, mais sur le moment je la tuerais. Je ne supporte rien, ni le bruit ni la lumière, tout m'arrache des gémissements de bête blessée.

Alors je pense à une troisième possibilité : l'infarctus du myocarde. Le cerveau est tellement mal câblé qu'il confond la douleur cardiaque avec à peu près n'importe quoi : engourdissement du bras gauche, lourdeur des derniers doigts ou maux d'estomac lancinants.

L'ennui c'est que je ne suis pas fichu de localiser la douleur. C'est juste partout dans l'abdomen. Au bout de deux heures à endurer ça, contraint et forcé, blanc comme un linge, brûlant de fièvre et inondé de sueur, j'appelle SOS Médecins.

Qui me répondent qu'ils n'ont personne de dispo, et que boah, si j'ai du Spasfon j'ai qu'à en prendre, ça devrait aller mieux. Non mais les mecs je vous jure, j'ai jamais eu mal au ventre comme ça, on dirait que les légions infernales sont en train de m'arracher des bouts de viscères à la fourche, je parie que même le cosmonaute du Nostromo n'en bavait pas autant avec son alien dans le bide, vous êtes sûrs qu'on va régler ça avec du Spasfon ? Puis en plus j'en ai même pas.

Avant d'appeler la police pour faire ouvrir la pharmacie de garde (il est maintenant 20h passées), je me tourne vers mon père, qui semble carrément sceptique sur cette histoire de Spasfon. Et pour lui, ça ressemble à une appendicite. Dès que le mot est lâché, je suis convaincu que c'est ça. Je m'enfonce des doigts un peu partout sous le nombril et oui, la source de tout se situe au côté droit. Merde.

Je tergiverse néanmoins. L'hôpital le plus proche est à un quart-heure de voiture, dans cet antre médiatico-maléfique qu'est Montfermeil (regardez la télé : quand ça crame, que ça tabasse ou que ça viole en France, vous avez le choix entre Saint-Denis et Clichy-Montfermeil), et la douleur est curieusement en train de perdre de son intensité. Ben voyons.

Ca me fait ça tout le temps, en réalité. Si j'ai très mal et que je me dis que cette fois c'est décidé, je vais consulter, comme par hasard je n'ai plus aussi mal. Je finis donc par appeler un taxi vers 21h et j'y vais. Je me sens un peu stupide. Tu vas voir, à tous les coups ils vont me donner du Spasfon.

Quand je me pointe devant le médecin, je ne sens presque plus rien. Pour un peu je tournerais les talons. Il prend toutefois ça au sérieux, et demande tout de suite une radio et une prise de sang (à propos de cette dernière, moi qui m'en faisais une image mentale épouvantable, je me rends finalement compte que l'horreur fantasmée ne résiste pas à la réalité : ça fait moins mal qu'une piqûre de guêpe).

J'attends, j'attends. Ils sont sympathiques ici, dis donc. Ils se font des blagues entre eux que je ne comprends pas, mais ça a l'air très drôle. Dans cette ambiance bon-enfant je n'ai pratiquement plus aucun doute : je n'ai rien, évidemment.

A minuit et demie, un médecin que je n'ai jamais vu vient me poser des questions, mes résultats d'analyse en main. Lui, il n'a pas l'air d'avoir envie de plaisanter. Vous êtes malade en ce moment ? Vous suivez un traitement ? Rien du tout ? Bon, vous avez 20 000 blancs, il faut faire une échographie.

Hein ? 20 000 ? C'est trop ? Il me fout la trouille ce type, il m'impressionne. Je le suis à travers une succession de couloirs vides et d'ascenseurs si lents qu'on dirait qu'ils somnolent. Nous descendons. Il n'y a aucun bruit que celui de nos pas sur le lino. Néons blafards, odeurs de désinfectant. Un homme taciturne nous ouvre une porte. Il n'y a personne nulle part, on se croirait dans un film de Dario Argento.

Puis table d'opération, gel d'échographie, attention c'est froid. Qu'est-ce que je fous là ? Je ne sais pas pourquoi je suis venu, je n'ai rien. Et puis je bosse demain.

Le type n'a pas l'air de trouver ce qu'il cherche. Il tourne et retourne autour du même endroit. Vous avez mal là ? Oui. Tournez vous sur le côté. Je me tournne. Revenez sur le dos. Ok. C'est une appendicite. Il montre l'écran à son collègue.

Appendice complètement tuméfié, et il y a déjà un épanchement autour. C'est aigü, il faut opérer tout de suite. Et merde.

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- Comment c'est possible que ce soit arrivé si brusquement ? Je n'avais rien, et une demi-heure plus tard je me tordais de douleur.
- Ca devait couver depuis plusieurs jours, mais vous n'avez rien senti avant.

Comme me le rappellera L. au téléphone depuis GMK, deux jours plus tard : j'étais effectivement sur les rotules tout vendredi, et quasiment dans les limbes pendant la soirée, au moment de la répétition.

Ce qui me travaille finalement le plus, c'est que si je m'étais écouté je ne serais pas allé à l'hôpital, et j'aurais tranquillement attendu la péritonite. Ca aurait pu arriver, j'ai failli le faire. Je me demande s'il existe une autre version de moi, actuellement en train de mourir d'une septicémie dans une dimension parallèle. Au lieu d'écouter les Beatles en regadant le ciel gris, avec une cicatrice "McBurney" sur l'abdomen, quoi.

Du Spasfon, je t'en foutrais.

dimanche 8 février 2009

Morse (Let the right one in)

Diffusé uniquement dans 24 salles à travers la France. Après The fountain et The mist, c'est à se demander si c'est le traitement qu'on réserve chez nous aux films fantastiques intéressants (pas que je tienne The fountain en grande estime, mais c'est quand même mieux que le tout-venant habituel).

Enfin ! Un vrai bon film. Ca faisait si longtemps. En le voyant, je me suis souvenu pourquoi je m'emmerdais devant la majorité des autres films d'horreur. C'est parce que les tâcherons débiles qui les réalisent n'ont juste rien compris au fantastique.

Je retrouve dans Morse ce que j'aime chez Stephen King, ce que je perçois chez Guillermo Del Toro quand il fait autre chose que Blade, ce qui m'a collé au siège dans La mouche et L'échelle de Jacob : l'humanité au centre du récit. Je comprends en voyant Morse pourquoi j'enrage au rayon Fantastique de la Fnac, pourquoi j'ai envie de foutre le feu aux bouquins d'Anne Rice et pourquoi le remake de La colline a des yeux ne m'inspire que de la pitié.

C'est comme ça que ça devrait toujours être. Aussi bien raconté, aussi bien perçu, aussi tendrement, de façon aussi intime et pudique, mais sans pour cela évacuer la sauvagerie et les grondements de bêtes. Le déclic vient de se produire avec ce film. C'est exactement ça qu'il faut faire, c'est par là qu'il faut aller. Je veux dire, même pour moi, pour ce que j'écris.

Autrement, les deux acteurs (sur l'affiche) sont merveilleux. Le rythme est un peu lent (et puis c'est suédois, ça parle pas des masses), mais ça n'est qu'un un demi-défaut. On ne peut pas en vouloir à un film pareil, à un traitement pareil, juste parce qu'il se laisse aller à un peu de contemplation. Ne lisez même pas l'histoire, fuyez la bande-annonce et les critiques comme la peste. Si ça ne passe pas chez vous, vous le verrez peut-être un jour en vidéo, ce serait dommage de saboter une partie du plaisir. Cette impression de trouver enfin un coin lumineux au milieu d'une masse de trucs noirâtres et sans consistance.

Ouf.

(comme pour Rec, un remake américain est déjà en préparation - je n'en attends rien de bon, mais je suis curieux de voir le résultat)

samedi 7 février 2009

Clap


Voilà. Première.

Alors c'est une chose de faire le malin à chanter dans sa salle de bain, c'est une chose de se la raconter en voix de tête genre Matthew Bellamy, c'en est une autre de se retrouver devant un vrai micro, de chercher à quelle hauteur poser sa voix et de réussir à se faire entendre par dessus les guitares et la batterie. Brusquement, tous ces petits défauts qu'on arrive à cacher quand on chantonne chez soi à une heure de mat, ils éclatent au grand jour : c'est faux, ça tremblote, on n'a pas de puissance quand on monte dans les aigus, on n'entend que dalle quand on descend trop grave, on n'est plus dans le rythme... Tes velleités de style et tes variations blues tu commences par te les carrer profond, et tu reprends tout du début, un pas après l'autre, forcé à l'humilité. Ok, c'est pas simple.

Mais on s'est bien amusés et pour une première fois, après une bonne demi-heure de tâtonnements, c'était plutôt pas mal.

Thomas et Maxime à la guitare, Ivan exceptionnellement à la basse, Guillaume à la batterie, et moi au chant.