mardi 24 juin 2014

Osez la sérendipité !

Il faut le dire : "sérendipité" est actuellement l'un des mots les plus affreux de la langue française. D'abord parce qu'il est d'une laideur peu commune : moche à lire et à entendre, il évoque vaguement un nom de maladie ou d'état morbide. Ensuite parce qu'il est souvent utilisé à tort et à travers par des gens ne se doutant pas du mal qu'ils font, simplement amusés d'avoir découvert qu'il y avait "un mot pour dire ça" (à ce titre, "sérendipité" est devenu aussi célèbre que cette autre atrocité qu'est "procrastination").

Mais surtout, ce qui rend ce mot tout à fait détestable, c'est sa nature profonde : c'est un terme de technocrate, un symbole de l'horripilante façon de penser de notre époque. Car la sérendipité, figurez-vous, ne désigne rien d'autre que ce phénomène assez joli, qui veut que des idées nous viennent parfois, non par une recherche approfondie, mais grâce au hasard (c'est à dire que le hasard peut débloquer plus efficacement un problème qu'une réflexion soutenue). Par exemple, si j'étais l'un de ces intellectuels autosatisfaits qui polluent les media "culturels", je pourrais dire qu'Alexander Fleming a découvert la pénicilline grâce à la sérendipité. En effet, c'est en retrouvant une boîte de culture oubliée dans un coin de son laboratoire qu'il a commencé à se poser les bonnes questions.

Vous êtes également à fond dans la sérendipité lorsque vous regardez un film, marchez sur un chemin, écoutez une chanson, et qu'un détail superficiel vous conduit à aborder d'une manière nouvelle un problème sur lequel vous butiez depuis longtemps. Vous sérendipissez à plein tube lorsque vous cherchez un moyen de conclure un exposé de mathématiques fondamentales, et que celui-ci vous apparaît en lisant un poème de Virgile.

Bref : "sérendipité", comme son confrère "procrastination", est un terme créé de toutes pièces pour recouvrir une activité complexe de la pensée humaine. A y regarder de loin, on pourrait trouver ça pratique ; j'utilise "sérendipité" plutôt que de prononcer une longue phrase. Mais c'est justement le problème : qui a besoin de rendre "pratiques" les discours sur les mécanismes de la créativité humaine ? Qui a besoin de jongler avec, et ne peut le faire qu'en les enfermant dans des termes qui les réduisent ? Qui a besoin de les mettre en chiffres, de les introduire dans des équations ?

Et bien je vais vous le dire : ce sont les gens qui cherchent à rendre la créativité plus rentable. Ce sont les gens qui oeuvrent dans le merveilleux domaine de l'optimisation du temps de travail, les gens qui se sont rendus compte qu'en pressant un cerveau en continu pendant huit heures, il en sort un jus moins relevé que si on le laisse flâner un peu. C'est à dire finalement, des gens qui considèrent que la créativité n'est qu'un moyen, et jamais une fin.

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