lundi 3 novembre 2014

Ray Bradbury

Notre société ne sait tellement plus ce que signifie la « culture », nous en avons une conception si étroite et infantile, si Trivial Poursuit, nous avons si dramatiquement perdu de vue le sens de l'expression « être cultivé » (nous confondons cela avec une sorte de savoir de perroquet, ou de capacité à bachoter), mais nous aimons en revanche tellement en parler, qu'on devrait recommander à chaque personnalité publique de relire ces deux petits paragraphes du Fahrenheit 451 de Bradbury, chaque fois qu'il lui prend l'envie d'exposer ses courtes vues sur la question. Peut-être entendrait-on un peu moins de foutaises et d'auto-glorification.


La paix, Montag. Proposez des concours ou l'on gagne en se souvenant des paroles de quelque chanson populaire, du nom de la capitale de tel ou tel Etat ou de la quantité de maïs récolté dans l'Iowa l'année précédente. Bourrez les gens de données incombustibles, gorgez-les de "faits", qu'ils se sentent gavés, mais absolument "brillants" côté informations. Ils auront l'impression de penser, ils auront le sentiment du mouvement tout en faisant du sur place. Et ils seront heureux parce que de tels faits ne changent pas. Ne les engagez pas sur des terrains glissants comme la philosophie ou la sociologie pour relier les choses entre elles. C'est la porte ouverte à la mélancolie.

– Des fois je les écoute en douce dans le métro. Ou aux distributeurs de rafraîchissements. Et vous savez quoi ?
– Quoi ?
– Les gens ne parlent de rien.
– Allons donc, il faut bien qu'ils parlent de quelque chose !
– Non, non, de rien. Ils citent toute une ribambelle de voitures, de vêtements ou de piscines et disent: "Super !" Mais ils disent tous la même chose et personne n'est jamais d'un avis différent.