vendredi 10 juillet 2015

Le concept n'est pas la chose

Que la musique soit une combinaison de sons formant une mélodie et un rythme, voilà qui ne devrait poser de problème à personne. Mais il suffit d'écouter un morceau de musique et de comparer ce que l'on entend avec cette définition pour s'apercevoir que l'expérience déborde la définition de toutes parts : elle est plus riche, elle possède une multitude d'autres dimensions, mais elle est aussi impossible à communiquer.

On pourra toujours jouer l'objectivité, et dire que le bleu est un rayonnement dont la longueur d'onde varie entre 450 et 500 nanomètres : la vérité c'est que cette définition, ainsi que le mot même de bleu sont des concepts plaqués sur une expérience qu'il est impossible de partager. Je ne sais pas à quoi ressemble le bleu de mon voisin, et si un aveugle me demandait de lui expliquer ce que c'est exactement, je n'aurais aucun moyen de le faire. Je pourrais théoriser mille ans qu'il n'en serait pas plus avancé. « Le bleu c'est ça », peut-on seulement dire, en désignant un ciel d'été. « Ce truc, cette qualité du ciel, tu vois bien. »

C'est à dire que le bleu est une sensation ; et comme toute sensation, il est impossible de la communiquer. Elle m'appartient, je ne peux ni la transmettre ni la sortir de moi. Elle n'existe que pour moi, à la seule condition que j'existe moi-même. En dehors de ma conscience, le bleu, comme la musique, n'ont aucune signification.

En revanche, ce qui peut se transmettre, c'est le concept de couleur, le concept de musique ; c'est à dire une réduction de l'expérience, une simplification destinée à la rendre manipulable. On en fait ainsi un petit paquet bien fermé, qu'on peut enseigner à d'autres : quand j'utilise les mots de musique ou de bleu, vous savez de quoi je parle, même si les mots en eux-mêmes n'en disent rien. Si vous voulez comprendre en profondeur ce que je dis, vous ne pouvez pas en rester là : vous devez rattacher ces concepts à l'expérience que vous en avez déjà eue.

Pour le dire plus simplement : le bleu ne s'enseigne pas, il se vit.