La révolution qu'opèrent les Lumières en Europe, c'est celle de l'inversion de Dieu et de l'homme : depuis la plus lointaine antiquité, on avait toujours placé Dieu comme principe fondamental du monde, et décliné l'homme ensuite, comme produit de Dieu.
Et on disait : Dieu préside à tout, il est la source de tout. Il a telle et telle caractéristiques, il est panthéon grec, cosmos, Nature ou Dieu unique, et il veut ceci et cela. Ce qu'il veut, c'est le Bien, et l'homme bon est celui qui suit le Bien commandé par Dieu.
Emmanuel Kant |
Cataclysme ! Et ainsi, pour la première fois dans l'histoire de l'humanité, c'est l'homme qui se retrouve propulsé principe fondamental. Conséquence immédiate : il se libère des chaînes de la tyrannie, car à présent, plus aucun chef, plus aucune organisation ne peuvent déclarer : nous avons découvert les principes fondamentaux qui régissent le monde et que tous les hommes doivent suivre. Car le principe fondamental, c'est l'homme lui-même. Le rapport à Dieu devient intime, personnel : il ne peut plus organiser la politique. Et si les hommes se soumettent quand même à un gouvernement, ça n'est plus pour se soumettre à Dieu à travers lui, mais parce qu'ils l'ont voulu et accepté : ils passent entre eux un contrat social tacite.