2010, on dirait que c'est l'année de l'amour. Les gens s'aiment, d'un coup. Ca se marie, ça se fait des déclarations et ça tombe enceinte à tous les coins de rue. Pour ma part, 2009 a été bien supérieure à 2008 dans à peu près tous les domaines (on peut pas dire que c'était difficile, en même temps), mais c'est pas encore cette année qu'on m'aura avec ces conneries. En 2010, je continue de détester les gens. Vaille que vaille.
Et j'en viens à penser assez sérieusement aujourd'hui, après que plusieurs portes se soient fermées et que d'autres se soient ouvertes, que la seule utilité du "couple", c'est à dire une fois qu'on a rejeté toutes ces fumisteries en carton que sont l'amour éternel, le romantisme et l'écœurante âme sœur, le vrai but ultime du couple ce n'est ni la perpétuation de l'espèce, ni l'envie d'avoir des enfants, ni même simplement celle d'assouvir des besoins sexuels. Tout ça bien sûr, ça compte un peu, mais ça vient après. La vraie utilité du couple, le nœud fondamental, c'est de te faire supporter l'idée que tu vas crever. C'est fait pour ça, c'est essentiellement pour ça que tu le recherches et que tu ne veux pas le perdre.
Et sans doute même que les illustres concepts de l'amour éternel et de l'âme sœur, tout le délire de maniaque obsessionnel sur les sentiments plus forts que tout, c'est aussi là uniquement pour t'aider à supporter l'idée que tu vas crever. Car une fois que tu l'as, ta merveille d'Amour, alors tout va bien, te voilà sauvé. Tu vas crever quand même mais tu peux te projeter mentalement vers l'infini. Parce que t'es amoureux, quoi. D'une idiote qui ne te comprend pas, qui n'a rien d'élégant ou de noble, qui n'est ni déesse ni djinn mais qui chie, qui pisse, qui bave, qui râle et qui exige, qui t'oblige à faire des choses qui ne te plaisent qu'à moitié, des milliers de concessions tristes et inutiles, et qui se fera finalement attaquer par des vers blancs quand elle sera claquée dans son cercueil.
Mais tout ça, ce n'est rien. Ce n'est pas grave parce que tu l'as, et que le monde entier peut le constater, et que tu obliges le monde entier à le constater, et que tu en ferais des poèmes, des chansons en anglais si tu savais, pour que le monde entier comprenne et te rassure en confirmant que tu ne t'es pas trompé. Non, tout ça, ce n'est rien. Ce n'est pas grave. Même si tous les autres couples du monde se sont déchirés et sont quand même morts, pour toi c'est différent. Pour nous c'est différent. Ô, Nous. Nous, et puis le monde en harmonie autour. Et ce soleil qui brille si fort, et pour encore si longtemps. Nous les uniques. Et notre amour nous propulsera dans l'éternité. Gosh.
Je ne retomberai pas amoureux. J'essaierai, en tout cas.
Il faut le savoir. Amoureux ou pas, couple unique ou pas, de toutes façons tu es pareillement seul et pareillement mortel. Mais c'est comme le condamné ficelé à un poteau, face au peloton d'exécution. Il y a celui qui garde son bandeau sur les yeux, et celui qui a peur mais qui refuse quand même de le porter. Ca ne change rien au résultat final, mais celui qui a la force d'affronter l'idée de sa mort imminente en face, il me paraît plus digne de respect. Plus classe. Et même si c'est inutile puisque rien n'a de sens, je préfère essayer d'aller vers l'élégance.
Je sais que je n'aurai sans doute pas la force de tenir pendant toute ma vie. Plus je vais vieillir et plus ça va être difficile, plus j'aurai tendance à m'auto-persuader que l'amour existe et que ça me rend immortel à travers mon âme. Ou à travers la moitié du sang de mes enfants, le quart de mes petits-enfants, et la part négligeable de mes arrières. On se rassure comme on peut. Je ne serai sûrement pas très heureux en couple, pas plus qu'aujourd'hui en tout cas, je veux dire pas plus qu'en couple libre et amusant et sans amour, mais le bénéfice que ça m'apportera, à savoir mieux supporter l'idée que je ne vais plus tarder à crever, ce bénéfice sera supérieur aux inconvénients (accepter les engueulades, accepter de céder sur des choses qui me tenaient à cœur auparavant...)
Et je serai certainement sincère. Je serai certainement convaincu que cette fille est parfaite, qu'elle me comprend, qu'elle est gentille et qu'on est bien tous les deux, que j'ai enfin trouvé l'amour. Mais au fond, je me serai fait bouffer. J'aurai perdu, parce que je sais que si j'étais immortel, je ne chercherais pas la stabilité amoureuse. Je n'aurais pas besoin de tomber amoureux parce que je ne serais pas désespéré de penser que l'ultimatum approche. Je coucherais à droite à gauche, je m'entendrais parfois bien avec certaines filles, mais je serais célibataire tout le temps. Libéré de l'angoisse. Je me travaillerais une vie saine, j'essaierais d'évoluer mais tout seul, sans m'ajouter la contrainte d'une Unique à domicile. Si j'étais immortel je n'en aurais pas besoin, j'aurais mes amis et ça me suffirait pour être heureux.