samedi 1 novembre 2008

L'instinct et les épaules des filles

C'est pas compliqué, le corps féminin touche pratiquement au mystique. Enfin parfois. Je veux dire, si on exclut les moches. Je ne suis pas sûr d'être très représentatif, mais je trouve que certains détails sont d'une telle force qu'ils en deviennent incompréhensibles. C'est le mot, incompréhensibles. C'est ce qui me vient à l'esprit, et ça n'est pas anodin. Incompréhensible, ça veut dire qu'il y a sans doute une signification cachée, quelque chose à saisir.

Une épaule, la ligne d'une mâchoire, une chute de reins, le corps dans son ensemble. C'est plus qu'une simple harmonie, ça va plus loin. C'est inexplicable de façon rationnelle, mais l'impression est forte, comme une intuition. C'est fascinant. J'y ai réfléchi pendant longtemps, je me demandais comment est-ce qu'on pouvait capturer l'essence de ces trucs-là, ce qu'on pouvait en faire, mais c'est toujours resté hors de portée. Je les regarde, je les touche, et alors ?

Tu voyages dans un endroit désertique, et subitement tu repères une fresque bizarre dans le sable, très belle. Tu tombes en admiration devant, et on te dit que ce dessin magnifique, avec toutes ces courbes, ces ondulations et ces équilibres, c'est juste modelé par le vent. Qu'à cet endroit-là, voilà, le vent fait des tourbillons et crée cette fresque. Et pas une simple rose des sables, vraiment quelque chose de saisissant. A mon avis, il y a ceux qui se disent que c'est drôle et qui passent leur chemin, et ceux qui restent sidérés parce que ça les touche profondément, cette beauté d'un phénomène simple, cette chose pratiquement négligeable. Une impression de grandeur. En poussant un peu, il semble que ça a forcément une signification cachée, que ça ne peut pas exister pour rien, exister et rester là comme ça, aussi bêtement, dans un coin. C'est difficile à expliquer, parce que je n'entends pas par là Dieu ou une entité supérieure intelligente.

Mais brusquement, tu tombes en arrêt devant quelque chose qui te dépasse, tellement ça semble gigantesque. Et pourtant ça n'est rien du tout. Ca semble avoir un sens, mais bien au-delà de tes capacités de réflexions. Tu ne parviens pas à l'appréhender dans son ensemble, tu n'arrives pas à y réfléchir, tes pensées se cognent dessus comme sur une paroi lisse. Tout ce que tu sais, c'est que c'est beau et que ça existe. Tu ne peux rien en faire que de l'admirer, le prendre en photo, le filmer, en parler, tourner autour, mais tu ne restes qu'en surface. Tu ne parviens pas à remonter plus loin que le simple constat que c'est beau et que ça existe.

Je trouve ça génial. Je suis un grand admirateur du principe de beauté émergeante du chaos, et le corps féminin possède cette beauté foudroyante qui naît de la simplicité. Si on excepte les moches, oui.

Alors ensuite j'ai lu le bouquin de Dawkins sur l'illusion de Dieu, et ce chapitre sur les racines de la moralité. A peu près tout le monde répond la même chose aux dilemmes moraux, et les réponses sont motivées non pas par une vraie réflexion mais par une sensation indéfinissable de vérité, une forte intuition. Il est ensuite très difficile pour les gens d'expliquer rationnellement leur décision.

Ce qui est la réaction à attendre, écrit Dawkins, si nous avons un sens moral pré-installé dans le cerveau, comme le sont notre instinct sexuel, notre peur de l'altitude, ou, comme Hauser préfère le dire, notre aptitude à parler (les détails varient d'une culture à l'autre, mais la structure profonde sous-jacente de la grammaire est universelle).

Le rapprochement avec mon délire sur le corps féminin est facile. Cette impression d'un sens profond, mais sans pouvoir l'expliquer. Ca doit venir de l'instinct sexuel. Ou un dérivé.

Alors merci, je n'avais pas attendu de lire ce livre pour y penser. L'élément qu'apporte Dawkins à ma prise de tête, c'est le détail sur ce qu'est l'instinct. Ca m'a toujours foutu la trouille, l'instinct. J'aime pas ça, ça fait trop programme informatique. Le fait que les bébés puissent se mettre à parler au bout d'un an à peine, c'est à dire transformer des pensées abstraites en phrases structurées, me paraît totalement hallucinant. C'est un instinct. Comme s'ils débarquaient avec un logiciel pré-installé, un Word qui se mettrait en route après quelques mois de rodage.

Alors comment remonter intellectuellement au-delà de ce programme ?

Je veux dire, quand je bloque sur le sens caché des épaules et des mains, en fait je ne fais que buter sur les limites de ma propre pensée. Je ne peux pas aller plus loin, c'est tout. C'est une sorte de limite organique absolue. Je ne peux pas remonter plus loin, parce que je suis arrivé au niveau le plus bas, à l'origine. Je suis au niveau de l'ordre primaire, de la commande pré-installée : tu seras fasciné par les êtres humains de l'autre sexe. Tu trouveras ça génial. Rien ne sous-tend cet ordre, c'est le point zéro (au niveau de l'espèce, évidemment, l'existence de cet ordre est explicable et on peut remonter au-delà, mais moi, en tant qu'être pseudo-indépendant, je suis livré avec cette commande basique qui est la pierre fondatrice de mon intellect, et que je n'ai jamais décidée).

C'est comme si un ordinateur devenait intelligent et se disait qu'il y avait quelque chose de gigantesque, un sens incompréhensible derrière le fait qu'il fasse un bip au démarrage. Mais il ne pourrait jamais comprendre quel est ce sens, parce qu'il buterait contre un ordre primaire qu'il n'a jamais décidé rationnellement. Il aurait l'impression que c'est super important, ce bip, que c'est quelque chose de grand, parce qu'il ne comprendrait pas d'où ça vient. L'absolue nécessité de le faire sonner, ça lui serait chevillé au corps, et il trouverait ça incroyablement émouvant, bouleversant. En réalité, ça ne serait pas bouleversant. Il en aurait juste l'impression, parce qu'il ne pourrait simplement pas réfléchir au-delà du programme de démarrage, et que ça lui semblerait du coup quasiment mystique. Insaisissable. Fais bip.

Il serait trompé par sa conviction que c'est important, alors qu'il ne trouverait ça important que parce que c'est son instinct. Je suis trompé moi, par ma conviction que le corps féminin est trop fascinant pour ne pas avoir un sens qui me dépasse, alors que cette conviction n'est qu'une commande MS-DOS. Je veux dire, ça n'a rien de réel. Ca en a l'air, mais ça n'est qu'une interprétation biaisée du monde, juste parce que j'ai cet instinct d'homme. Trouve le corps féminin fascinant.

C'est très difficile à expliquer, je ne suis pas sûr de m'exprimer clairement.

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