vendredi 12 février 2016

Aparté

A une époque, quand le soir puis la nuit venaient, accompagnés de calme et de silence, on était seulement content de sa journée, d'avoir joué à tel ou tel jeu avec Guillaume ou David, d'avoir construit telle ou telle chose avec Vincent ou Jérémy, et on ne se disait jamais que le temps passait, et que bientôt on aurait soixante ans. On n'avait pas conscience de la limite. On imaginait d'autres histoires pour le jeu, d'autres façons de construire, et c'était tout, et les odeurs et les sons de la journée revenaient, et on s'endormait sans angoisse.

Désormais, laissez-moi un moment de calme pendant une nuit, et je ne vois que le tragique.

C'est qu'avant je ne savais pas que le temps n'est pas infini, qu'on ne reste pas infiniment dans l'enfance, ou bien si longtemps que c'est comme si c'était infini. On y reste quelque temps, et on en sort sans être averti, sans le voir. Les adultes ont l'air d'être d'une nature différente, et c'est rassurant car on sent bien qu'on n'est pas comme eux, et pas près d'être comme eux. Il reste du temps. Et un jour on finit par comprendre qu'on est devenu comme eux, et si on ne l'a pas senti c'est trop tard, il faut l'assumer quand même. Il faudra faire semblant. Pour les autres enfants.

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