dimanche 23 novembre 2008

Interlude

Dimanche, environ 3 heures du matin, devant un piano électrique.

- Dans Mozart y'a quand même pas mal de trucs chiants...
- Des trucs chiants ? Genre quoi ? A part la petite musique de nuit.
- Ben si justement, la petite musique de nuit.
- Hum, mais même la petite musique de nuit, une fois que t'as passé l'air connu...
- Nonon, tout est insupportable là-dedans.
- Bah, y'a le moment où ça passe en mineur, c'est pas mal.
- Ouais enfin ça dure cinq secondes...

(...)

- Et l'ouverture de la Flûte enchantée ?
- Je vois pas.
- Faut que je te fasse écouter. Y'a un passage assez court, mais tu te dis ok, est-ce que c'est pas juste la plus belle chose que j'aie jamais entendue ? Est-ce qu'il y a mieux ?
- Ah c'est vrai, des fois tu focalises sur un truc, t'as l'impression d'entendre le morceau de musique absolu, comme si y'avait rien au-dessus. Moi j'en ai un dans la symphonie du nouveau monde de Dvorak.
- Ouais, jusqu'à ce que ça te saoule parce que tu l'as trop écouté.

(...)

- Putain mais si, le pianiste qui joue Chopin comme un dieu là, c'est quoi son nom déjà ?
- Horowitz ?
- Nan, un juif.
- Ben Horowitz il était juif.
- Bordel on connait que lui, il a le nom d'un chef d'orchestre mais c'est pas le chef d'orchestre...
- Euh...
- Arthur... Arthur ?
- Rubinstein ?
- Ouaiiiis ! Rubinstein !
- Arrête Rubinstein il sert à rien, il joue à deux à l'heure.
- T'es à l'ouest, c'est le meilleur. Tu dois confondre avec Arrau.
- Ouais... C'est vrai. Disons que Rubinstein joue lentement mais il masterise.
- Exact. Alors qu'Arrau t'as l'impression que c'est juste parce que sinon il y arrive pas.

(...)

- Sixte napolitaine, écoute ça. Est-ce que c'est pas le plus bel accord du monde ?
- Ca tue. Dans quoi on l'entend, joué exactement comme ça ?
- Je sais pas, plein de trucs.
- Ah si, la deuxième rhapsodie hongroise de Liszt.

(...)

- C'est pas mal ça, c'est quoi ?
- Une gnossienne de Satie.
- Ah, c'est pas si nul Satie.
- Si si, mais quand même un peu moins que Debussy.

(...)

- Attends, dis-rien, dis-rien...
- ...
- Concerto pour piano n°2 de Saint-Saëns.
- C'est ça... Mais c'est Rubinstein qui joue ? T'as raison merde, il se traîne...

(...)

- Cette suite d'accords, c'est génial.
- Mouais. Non, ça sonne trop comme du chant grégorien ton truc, je peux pas.
- Mais justement ! En plus c'est religieux, c'est ça qui est bon, tu te dis que tu côtoies Dieu.
- Bon, ça je peux comprendre. C'est pour ça que j'aime Bach, aussi. Tu le sens proche de l'infini.



Pierre-Jean, ou la seule personne avec qui on peut parler sans complexes de musique classique pendant deux heures, avec le désordre de la passion. Ca fait du bien, et ça sort enfin la tête du quotidien affreux pendant quelques instants.

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