dimanche 26 décembre 2010

All you need is love

Tous ces couples dans la rue, au cinéma, sur les quais des gares, dont l'un (l'homme souvent) ne sait déjà plus comment être proche de l'autre. Il a perdu le naturel dans sa façon de l'embrasser, on dirait qu'il n'est même pas sûr de sa réaction, qu'il tente au culot. Il touche son visage ou caresse ses cheveux avec une gaucherie embarrassante, souriant bêtement pour parer un rejet éventuel de sa part, excédée qu'elle serait par ces tâtonnements dégoûtants d'angoisse. Il faut pourtant qu'il tâte, ce malheureux déjà perdu, il faut qu'il montre de la tendresse de téléfilm, de la tendresse de mauvais comédien impressionné par son rôle, il faut qu'il caresse pour espérer être caressé en retour. Et le retour ne vient jamais.

Nous nous aimons encore, dis ? Et elle, les yeux aux aguets : pourvu que personne n'observe ce spectacle ridicule, ce demi-prince-charmant effrayé d'être avec moi maintenant qu'il faut cesser de rêver pour se mettre à vivre, pourvu que personne ne voie à quel point nous jouons faux.

Elles se dégagent doucement, parfois, avec comme des regards d'excuse aux spectateurs gênés. Ce type-là est avec moi, c'est vrai, mais je vous assure qu'en général il est beaucoup plus chevaleresque, et des étincelles sexy jaillissent de ses doigts quand il me touche.

Ou bien, conscientes de la fin de partie à venir mais refusant de l'accepter, elles hésitent et se lovent finalement, et c'est de la provocation qu'on lirait presque sur leur visage. De la provocation qui doute, de la fierté étranglée. Ne vous moquez pas, vous tout autour, salauds de cyniques, la vie ne nous touchera pas, nous serons plus forts qu'elle, et voyez pour preuve cette tendresse entre nous. Regardez, mais regardez !

Et pourtant on sait bien que peu importe la hargne et la fureur, peu importe avec quelle opiniâtreté on essaie : le meilleur acteur du monde ne deviendra jamais son personnage. Les décors sont en carton, la lumière est artificielle et la réalité maintenue très loin à bout de bras, mais le rideau finit toujours par descendre. Alors pour la millième fois, celle qui devait être la bonne, Roxanne et Cyrano, Pelléas et Mélisande, Roméo et Juliette retournent dans leurs loges et s'engueulent et soupirent. Se souvenant d'un temps lointain où ils croyaient ce que le monde entier leur racontait sans cesse : qu'un jour la scène devriendrait la réalité, qu'ils passeraient de l'autre côté du miroir et que leur vie serait parfaite.

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